Nous sommes ici à Tokyo, et Taro Okamoto est devant sa rue. Nous allons parler de son vieux maître, Marcel. Très bien. On va chez toi, si tu veux ?

Sculpteur, philosophe, sociologue, œnologue, etc. Je fais tout parce qu'il faut tout faire, n'est-ce pas ? Il ne faut pas être spécialiste, sociologue spécialisé, philosophe spécialisé… Nous en avons assez de la

division du travail social. C'est ça ! Alors, je veux vivre entièrement la vie. C'est que je fais tout. Il parle de tout : la religion, l'éducation, tout… C'est grâce à Marcel, mon maître, qui m'a donné beaucoup de

choses, des impressions pour voir le monde entier, retrouver l'existence de moi et du monde entier. C'est ça. Tu étais à Paris à quel moment ? J'étais parti en 1929 jusqu'à la guerre, et j'étais au

musée de l'Homme pour étudier l'ethnologie, par l'intermédiaire de Marcel, de 1938 à 1939. La guerre a commencé. Voilà. C'est ta maison ? Quelle est cette sculpture là ?

Ça, c'est une sorte de fontaine. De l'eau sort de la bouche pour la piscine. Pas une sorte de machine ; il vaut mieux que ça sorte de la bouche. Et puis, la maquette d'une murale qui va créer une immense œuvre.

Murale, voilà. Mais actuellement, tu fais surtout de la sculpture, de la peinture ou encore de l'ethnologie… Tout, tout, tout ! J'écris, j'ai beaucoup de livres euh sur beaucoup de choses : des…

des dessins, des cris, souvent des romans, des tableaux… Ça fait plaisir de faire tout ça ! La sculpture lumineuse, c'est ça, ça s'illumine le soir. Et puis ce monument est à Paris maintenant. La même chose sera exposée au… je crois… du reste, au bas…

de SC. Et puis quel est le nom de ton monument ?  "L'homme végétal". "L'homme végétal", voilà.  "L'homme végétal", comme aurait dit Marcel… Ah mais c'est la même chose, quoi ! Et ça…

c'est quoi cela ? Ça, c'est aussi la même chose : une sorte de fontaine. Et puis la chaise pour ne pas s'asseoir, qui vous refuse de vous asseoir là-dessus, parce que toutes ces choses modernes ont l'air de dire…

Asseyez-vous sur moi ! Ça, je n'aime pas. Il y a… c'est… c'est l'amour, monsieur et madame. Ça, c'est pour… pour le bâtiment, juste au bout du coin du toit quand il y a du… du…

[Musique] vent. Voilà. Ça, c'est la porte de la mer, la maquette. C'est à 10 m. On peut passer par là. C'est la vague, forme de… C'est pour quel endroit ? Oh, c'est pour… pour les monuments, pour l'endroit public.

Et puis ça, la fontaine aussi, tas de choses, beaucoup beaucoup beaucoup de choses. Ça, c'est quoi ? Ça, c'est la chose que j'ai exposée, ça aussi à l'Expo 70, et je mettais un haut-parleur là-dedans, le la chose comme ça.

Fantastique qui vous parle en retour. Et derrière, tu vois, c'est des cornes. Ah ça, ça c'est une femme et monsieur, mais c'est mal installé pour le [Musique] moment. Pas d'autre chose, je suis enfin...

Tout d'abord, j'étais peintre. J'ai commencé à faire des choses comme ça depuis depuis 10 ans, 15 ans. Avant, je faisais de la peinture. Et alors, parlons un peu de Marcel Mouss... Ah, il était très gentil.

Surtout avec moi, et que il était déjà très vieux. J'étais... je lui ai dit adieu lorsque les les Allemands, l'armée allemande, c'est-à-dire, commença à venir envahir Paris. Alors j'ai pensé qu'il fallait

y être et je suis allé lui dire au revoir, adieu. Où habitait-il à ce moment-là ? Il habitait à côté de la cité universitaire. Et il venait aussi au Musée de l'Homme. Est-ce que tu te

souviens de ses anciens camarades ? Marcel G... oui. Michel Leris. Michel Leris, oui. Il est encore au Musée de l'Homme, n'est-ce pas ? Et puis les... tous ces gens. Et quelle a été l'influence de...

Marcel, ma sœur, tu as dit qu'il t'avait ouvert... Oui, parce que... parce que j'ai dit qu'être artiste tout simplement ne pouvait pas être peintre. Oui, non, vivre comme existence entière, oui.

universel, et que pour cela il faut savoir tout ce qui se passe, tout ce qui s'était passé dans ce monde. Donc, ça m'a vraiment passionné, l'ethnographie des cours de...

par Marcel Mauss. Il était très impressionnant. Est-ce que tu penses que c'est un des philosophes les plus importants de ce temps ? Je crois, du reste, parce qu'il n'a pas publié de livres, il était un peu solitaire, mais...

quand même, il était... il était formidable, il était extraordinaire. Comme ça, il m'a vraiment impressionné et charmé. Mais comme il n'est plus maintenant, il faut que moi aussi j'existe. Tarot ? C'est quoi ça ? C'est la Tour du Soleil que j'ai créée à l'Expo 70

à Osaka. C'est-à-dire, ça, hauteur de 70 m. J'ai fait ça, quelque chose qui n'existe pas dans la tradition japonaise. Peut-être ça, dans la plus ancienne culture japonaise, de Jōmon, peut-être ressemble, mais à part ça, ça n'est pas du...

tout japonais. Au Japon, il y a deux valeurs : le modernisme occidental et la japonisme. Moi, je veux pas faire ce traditionalisme. Je veux créer la tradition. La tradition veut dire mettre là-dedans quelque chose qui n'avait...

jamais existé, c'est ainsi que j'ai... je voulais être hors de l'esthétisme occidental, ni de l'esthétique japonaise. Alors j'ai créé une chose tout à fait originale et...

les intellectuels étaient un peu très étonnés, n'étaient pas très contents, mais les peuples... ça a charmé les gens, ça a eu beaucoup de succès. Moi, je... enfin, je veux faire quelque chose

tout à fait original, que personne n'a fait. Enfin, la seule raison de plaisir de vivre, c'est de créer, de créer... Je vous dis : ne pas répéter ce qui a déjà existé. Donc, il faut toujours être... C'est pour ça que tu n'as pas d'enfant, parce que tu

veux créer, mais pas procréer. Mais les autres créent des enfants... Les enfants, ce n'est pas de la création, ça, c'est rien, ça... La création, c'est plutôt de... de tout... enfin,

plutôt nier toute cette création facile. Moi, je ne cherche que la création difficile. Au lieu de la facilité... Il y a des tas de monde qui créent des enfants, des fortunes, des familles... De la petite bourgeoisie qui... qui vraiment... qui me dégoute. Il faut être... C'est rien. Être seul, c'est...

la terre absolue, c'est... c'est ça. Ça veut dire l'univers. Voilà. Et chaque matin, je me sens venir...

Au monde, je suis à la fois mon père et mon enfant. Je suis... je suis le bébé de moi-même, euh... je suis le père de moi-même. Je suis tout. C'est comme ça que chaque instant... je veux créer quelque chose de totalement nouveau.

Quelque chose de... de... de nouveau, quelque chose qui n'avait jamais existé au monde, des choses nouvelles. C'est comme ça que j'ai le plaisir de vivre et c'est ainsi que j'ai créé cela.

La tour du soleil, qui n'est pas du tout japonaise, une japaniserie qui n'est pas du tout orientale, qui n'a jamais existé au monde. Qui est une... une Okami... Qu'importe ! Qu'importe ! Je...

Je me moque totalement de mon nom, mon propre nom. Qu'est-ce que c'est qu'avoir un nom ? Tu l'oublies d'ailleurs. Non, j'oublie... j'oublie mon propre nom, celui des autres.

Encore une fois, de se rattacher à un nom... Qu'est-ce que c'est, un nom ? Qu'est-ce que c'est ? La fortune, c'est de faire sans but, sans calcul. Il faut vivre. Je parle aussi librement, mais...

C'est comme ça et je crée aussi librement. Je crée le bleu. Quand je le regarde comme ça... je le regarde comme ça... c'est ma création. J'ai l'impression d'être ma création. C'est moi-même, peut-être, le ciel bleu.

[Musique] Un jour, un bon artisan est venu à mon atelier me demander de créer une cloche à ma manière, de mon style.  Comment ? Parce que depuis longtemps, on n'a créé de telles cloches ni en Chine, ni au Japon, ni en Europe. On créait toujours la même forme, identique ; il n'y avait pas de cloches différentes des autres.

Et moi, tout d'un coup, l'idée m'est venue de mettre des cornes, comme ça. Il y a 34 cornes, une sorte de mandala qui s'ouvre vers l'univers.  Bien, une fois que j'ai créé la maquette, celui qui la fond… enfin, qui devait la fondre…

en la regardant, a dit : « Impossible ! Ça ne sonnera pas ! Ça ne sonnera pas ! » Il faut réaliser… Il était comme ça, tremblant. Finalement, il l'a créée ; il avait peur…

mais ça sonnait mieux que n'importe quelle cloche ! Il y a des spécialistes qui ont étudié les sons, et ça sonne mieux que n'importe quoi. Et comme ça, on fait quelque chose qui n'a jamais existé au monde. C'est ça la raison de vivre, le plaisir de vivre, le plaisir de créer ça… Ah, ça me fait plaisir !

Je fais tout, tout, tout, sans rien faire de tout… C'est l'ethnologie, l'ethnographie… c'est ça, tout.

C'est ça, ça, ça… ça se… ça doit… c'est pas éligible en tout sens : création, consommation, tout, tout, tout ça… c'est le fond de l'ethnologie. L'hum… est-ce que tu crois que c'est parce que Marcel a appris un peu cette

philosophie que tu es comme ça ? M'a suggéré… avec physionomie, tout ça… Il n'a pas dit… il ne m'a pas dit ça. Il voulait absolument que j'étudie la question ethnologique, des choses comme ça. Mais moi, je veux

pas être spécialisé, sociologue, spécialiste… Tu veux pas être spécialisé ? Tu veux… tu veux être tout. Voilà. Il y a des choses que… que tu ne ferais pas, mais ça, pour le moment, je ne peux pas dire… Il a beaucoup de choses que je…

ce que je déteste de… de… de la politique, des politiciens et l'économie des marchands, tout ça… je n'aime pas ça. Je ne ferai pas ça. À part ça, je veux être existence tout entière. Enfin, pour ça

que je dois… je veux vivre, et c'est ce que tu fais. Aucun au monde ne peut dire, comme moi, des tas… des tas de choses. Et peut-être grâce à la suggestion, sans paroles, le marcellement et le souvenir… certainement, parce qu'il m'a beaucoup charmé.

Et s'il était vivant, il… il aurait pu faire peut-être la même chose que moi. [Musique] [Musique] [Musique] [Musique] Au revoir ! Au revoir ! Au revoir ! À bientôt ! À bientôt à Paris ! À Paris !

1974 Hommage À Marcel Mauss Taro Okamoto（日本語訳）

1974 Hommage À Marcel Mauss Taro Okamoto（日本語訳）